Krise

Un jour, d’autres barbares traversèrent le village.
Ceux qui le pouvaient, ceux qui croyaient cette fuite utile, se réfugièrent dans les collines avoisinantes.


Lorsque toute rumeur eut disparu, à leur retour prudent, ceux qui avaient fuit, virent que les barbares avaient détruit la roue à eau du moulin et toutes celles des charrettes, abattu la tour circulaire qui dominait le village en son centre, le grand sablier à cailloux de la porte Est et brûlé les trois livres que possédait Gorce, le simple du village, avec lesquels il jouait de temps à autre au fin lettré.
Ils avaient aussi arraché la langue si fertile de Labidiace, crevé les yeux de la belle Baudrine et cassé les jambes de Joss le conteur, poète et surtout historien du village.
Et rien de plus.

Sur la place du marché, les habitants du village des Hûles trouvèrent cinq gros futs de bière, autant de cageots d’un fruit recouvert d’épines mais dont l’intérieur était juteux et rafraichissant comme une pastèque, une centaine de galettes de seigles qui semblaient parfumées à la cendre de peau d’orange – sans en avoir le goût – et, devant tout cela, posée sur un tabouret à trois pieds, une sandale sculptée dans du bois d’olivier, ressemblait à s’y méprendre à celles dont Tamel ornait, depuis son retour du bois des cercles, les pieds de ceux qui laissaient le village pour toujours.

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